Linn Ullmann, née le 9 août 1966 à Oslo, est une critique et romancière norvégienne. Fille du cinéaste Ingmar Bergman et de l'actrice Liv Ullmann, Linn Ullmann passe son enfance auprès de sa mère, d'Oslo jusqu'à New-York, où elle résidera durant douze ans. Elle apparaît brièvement dans le film réalisé par son père Sonate d'automne, dans lequel elle interprète la version rajeunie du personnage tenu par sa mère. Elle étudie la littérature anglaise à l'Université de New York.
Journaliste, écrivain et critique littéraire, elle a écrit plusieurs romans : Avant que tu ne t'endormes (1999) Vertiges (2003) Miséricorde(2005) Je suis un ange venu du nord (2010);
Et maintenant il ne faut plus pleurer est son cinquième livre traduit en français. Je laisse à son éditeur - Actes Sud- le soin de vous raconter l'histoire : quatrième de couverture
Le récit
Comme tous les ans, Siri Brodal emmène son mari et ses enfants passer l’été chez sa mère, Jenny, dans un petit village paisible de la côte norvégienne. Cette fois, Mille, une adolescente à la beauté lunaire, les accompagne afin de s’occuper des deux filles. Pour Siri, ces séjours chez sa mère sont une épreuve douloureuse qu’elle nourrit toujours l’espoir de surmonter. Depuis que son petit frère s’est noyé dans le lac à l’âge de quatre ans, elle cherche en vain le pardon dans le regard fuyant de Jenny. Quant au mari de Siri, écrivain à la dérive qui tente depuis cinq ans d’accoucher de son nouveau roman, il passe son temps enfermé dans le grenier à envoyer des SMS frivoles à des femmes qui ne l’intéressent pas. Un soir, Siri organise une grande fête à l’occasion des soixante-quinze ans de sa mère. Tandis que les convives l’attendent dans le jardin, l’invitée d’honneur s’enferme dans sa chambre. Et personne ne prête attention à la jeune Mille qui se glisse silencieusement par le portail pour ne plus jamais revenir…
Mon avis
Comme le roman commence par la découverte d'un cadavre, le lecteur peut raisonnablement penser qu'il s'agit d'un livre policier. Il n'en est rien. Si l'on sait presque tout de suite qui est l'auteur du crime, c'est parce que l'écrivain omniscient nous le dit. Il n'y a pas d'enquête, ni de suspense. Tout est dit et à partir de là Linn Ullmann présente ce qui l'intéresse : l'analyse de la psychologie de ses personnages et des rapports familiaux complexes qu'ils entretiennent, le déchiffrage de ce que Paul Eluard a appelé "les affreux noeuds de serpents des liens du sang". La mère Jenny, la fille Siri et la petite fille Alma, toutes sont marquées à différents stades par le drame originel : dans le passé, la noyade du petit frère que sa soeur Siri n'a pu empêcher et, dans le présent, la disparition de Mille, la jolie baby sitter engagée par Siri pour garder ses filles Liv et Alma.
Jenny a-telle pardonné à Siri? Siri cessera-t-elle un jour d'essayer d'acheter l'amour et le pardon de sa mère? La fête qu'elle veut donner à tout prix en l'honneur des 75 ans de Jenny alors même que celle-ci la refuse, allant même jusqu'à ne pas être présente à cette soirée, peint d'une manière magistrale le malaise qui règne entre la mère et la fille. Le sentiment de culpabilité de Siri face à la mort de son petit frère rejoint celui d'Alma vis à vis de Mille. Que cache Alma à ses parents et pourquoi est-elle si agressive?
Rien n'est dit dans cette famille, où les personnes gardent pour eux leurs sentiments secrets, où les agissements des uns et des autres ne se font jamais dans la clarté. Le sentiment de culpabilité n'est jamais exprimé, le ressentiment non plus. Et chacun y est un peu trouble, avec sa part d'ombre. Le père, par exemple, passe son temps à entretenir des liaisons par désoeuvrement avec des femmes qu'il n'apprécie pas et a un comportement ambigu envers Mille.
Linn Ullmann peint avec puissance la pesanteur des liens familiaux et les maladies de l'âme humaine. Elle se révèle habile dans l'art brouiller les repères temporaux, de mêler le présent et le passé d'une manière inextricable, dans la façon dont elle fait partager au lecteur le drame qui détruit les personnages par l'intérieur sans que jamais cela ne soit dit ou reconnu par l'entourage.
Un roman qui révèle des qualités certaines de style et de psychologue.
Ainsi Siri, lorsqu'elle était petite fille, face au chagrin et à la colère de sa mère ne pouvait que se perdre dans plusieurs personnalités pour y faire face
"Une fois qu'elle arrivait en déferlant, la fureur de Jenny était si grande, noire, impossible à réfréner, que mieux valait se diviser et de venir une armée entière. Devenir une qui faisait la vigie. Une qui se battait. Une qui pleurait et demandait grâce. Une qui raisonnait. Une qui dansait et faisait des pitreries. Une qui demandait pardon. Une qui apportait des fruits et du réconfort. Une qui essayait de tout réparer. Et une qui se sauvait mais qui n'arrivait jamais bien loin."