Au XVIII siècle, à l’époque ou l’Islande est sous la domination danoise, dans le château de Rosenborg, un horloger islandais, Jon Stiversen, est chargé de restaurer une vieille horloge hors d’état de marche, reléguée dans une remise du château au milieu d’autres objets abimés, abandonnés parfois depuis des siècles. Or, cette Horloge qui a été réalisée en 1594 pour ( selon la légende) le roi Christian IV du Danemark (1577-1648) est précieuse. Isaac Habretch (1544-1620), artisan de génie dont le chef d’oeuvre est l’horloge monumentale de Strasbourg, en est l’auteur.
C’est avec bonheur et passion que Jon Stiversen se met au travail et passe ses nuits à chercher à comprendre les mécanismes complexes dont est composée cette oeuvre d’art. Une soir, il reçoit la visite d’un personnage étrange, un peu ridicule, en robe de chambre, qui n’est autre que Christian VII, le roi du Danemark (1749-1808) qu’il n’a vu jusque là qu’en grand apparat dans les rues de Copenhague.
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Christian VII ( château de Fredriksborg) |
Les deux hommes s’apprivoisent. Christian VII demande à Stiversen de lui raconter l’histoire de sa famille islandaise. Sigidur, le père de l’horloger a été condamné à mort pour usurpation de paternité et pendu selon les austères lois danoises, puritaines, la religion s'immisçant dans la vie privée des gens, appliquées de manière injuste par les représentants du roi en Islande. Il explique aussi au roi comment son frère, au regard de la loi, peut-être considéré comme un bâtard. Tous ces récits perturbent grandement le souverain qui ressent un sentiment de culpabilité vis à vis de l’Islande en même temps qu’il s’identifie à l’horloger privé de père, lui qui a été un fils mal-aimé (son père est Frédéric V 1723-1766), victime d’une éducation austère et dure.
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Frédéric V, le père de Christian VII ( château de Fredriksborg) |
Peu à peu on s’aperçoit que le roi, malade mental, est écarté du pouvoir par son fils le futur Frédéric VI (1768-1839) et les conseillers de la cour. Les secrets ( bien mal gardés) finissent par voir le jour et la souffrance du roi se déverse en confidences auprès de l’horloger, son amour malheureux pour une prostituée, la trahison et l’exécution de son ami et médecin Stuensee convaincu d’adultère avec la reine Caroline Mathilde, la possible illégitimité de sa fille Louise-Augusta, vraisemblablement fille de Struensee.
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La reine Caroline-Mathilde ( château de Fredriksborg) |
L’idée géniale du roman réside d’abord dans cette « amitié », bien sûr, improbable, imaginée par Arnaldur Indidason, entre le roi du Danemark et un simple homme du peuple et qui permet de mêler étroitement le passé de son pays, l’Islande, et du Danemark, l’un soumis à l’autre qui lui impose ses lois et une implacable colonisation.
Les romans historiques m'intéressent toujours parce qu'ils font vivre les personnages dans leur intimité, leurs pensées, comme si nous les avions réellement rencontrés (et le roman d'Indridason n'échappe pas à la règle), ils nous projettent dans une époque comme si nous en étions familiers. Aussi, lors de mon récent voyage à Copenhague, j'ai cherché partout, dans les musées et les châteaux, les personnages rencontrés dans ce roman. Cela n'a pas été difficile à trouver : toutes les demeures royales sont à la gloire de la monarchie danoise, actuelle ou ancienne, et Christian VII, son père Frédéric V, son fils Frédéric VI mais aussi Struensee, son médecin et Caroline Mathilde, son épouse la reine, sont partout présents.
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Struensee, médecin, premier ministre, amant de la reine( château de Fredriksborg) |
La vie et le caractère des personnages, le roi et l’horloger, (le titre rappelle celui d’un conte) se révèlent peu à peu aux lecteurs mais ils apprennent aussi l'un de l'autre même si ce n'est pas toujours facile d'être "l'ami" d'un roi qui peut vous envoyer à la potence à tout instant ! Tous deux découvrent leur parcours douloureux qui se rejoint au-delà de tout ce qui les oppose, au-delà la différence sociale et de la nationalité. C’est aussi une occasion pour Indridason de décrire la vie rude des hommes et des femmes islandaises. D’autres personnages comme le père, Sigidur et Gudrun, la belle-mère de Jon Sitversen, sont des personnages qui ont du relief.
Très intéressante aussi la description des étapes de restauration de l’horloge qui nous fait découvrir toutes les merveilles du mécanisme et la complexité de l’horloge. J'étais impatiente de la découvrir lors de mon voyage. Elle est au rez-de-chaussée du palais de Rosenborg dans un salon couvert de peintures, en particulier, flamandes.
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Château de Rosenborg : Horlode d'Habrecht |
Si j’ai quelques réserves envers le récit d'Indridason, elles s’adressent surtout à sa construction : au départ Jon Stiversen raconte l’histoire de son père au roi, mais lorsque le roi est absent, il s’adresse directement à nous, lecteurs. Si bien que lorsque Christian VII revient, il est obligé de recommencer le récit et d’en faire, en fait, un résumé. Ce qui crée des longueurs et ralentit l’action.
L’horloge d’Isaac Habretch
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Château de Rosenborg : Horlode d'Habrecht |
Les quatre âges de l'homme (enfance, jeunesse, âge adulte et vieillesse) sont représentés pour évoquer le cycle de la vie et c'est la mort qui sonne les cloches de la carillon. Il y a aussi un calendrier hebdomadaire, symbolisé par les sept dieux qui ont prêté leurs noms aux jours de la semaine.
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L'horloge astronomique d'Habretch La Vierge et les rois mages |
"Par exemple il avait maintenant saisi comment le déplacement des Rois mages (autour de la Vierge) et celui, très lent, des figurines qui représentaient les âges de l'homme et le cadran qui affichait les jours de l'année fonctionnaient de concert pour constituer l'harmonieuse symphonie de l'exacte mesure du temps.""
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L'horloge d'Habretch Rosenberg, Copenhague : les quatre âges de l'homme |
J'ai eu des difficultés a reconnaître les âges des hommes ! Mais oui, pourquoi pas ? A droite, l'enfance ou le page, au centre et de dos, la jeunesse ou l'écuyer, à gauche, la maturité ou le chevalier et j'aurais bien aimé savoir comment était représentée la vieillesse.
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Horloge d'Habretch château de Rosenborg Copenhague |
L'aiguille des quart d'heure surmontés de deux cadrans gravés : A
gauche, les jours de la semaine symbolisés par les dieux qui leur ont
donné leur nom en commençant en haut par dimanche, le soleil ; lundi, la lune ; mardi, Mars ; mercredi, Mercure ; jeudi, Jupiter ; Vendredi, Vénus ; Samedi, Saturne. A droite figurent les quatre saisons, l'hiver, le printemps, l'été, l'automne
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Horloge d'Habretch château de Rosenborg Copenhague |
Christian VII, la reine Caroline-Mathilde et Struensee
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Johann Friedrich Struensee |
Si je m'intéresse à ces personnages cités ci-dessus, c'est bien sûr, parce que je les ai rencontrés aussi dans un autre roman de l'écrivain suédois Per Olov Enquist : le médecin personnel du roi que j'aime beaucoup. Je reprends ici ce que j'en disais :
Un peintre satirique au musée Hishsprungske
Au musée de Hishspungsket le peintre satirique Christina Zarthmann a représenté ainsi la scène de séduction du médecin et de l'épouse. Pendant que le roi, l'air niais, affalé sur le canapé, inconscient de ce qui se passe, tourne le dos au couple et taquine un perroquet de la pointe de son épée, les deux amants jouent aux échecs, échangeant des regards amoureux sous l'oeil complice de la suivante.
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Kristian Zarthmann musée Hirshsprunsket |
Le style réaliste et caricatural de Zarthmann est assez surprenant surtout quand il s'agit de peindre la royauté.
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Kristina Zarthmann : il était une fois un roi et une reine |